Ah ! Que je suis contente d'être enfin en Europe ; ce voyage entre le Canada & l'Hispanie-Lusitanie¹ — comme ils le nomment — m'a parut fort éprouvant, bien que cela n'était que deux jours, mais quand on ne voit que de l'eau, de l'eau & encore de l'eau à perte de vue… On s'ennuie ! Pourtant, on ne manquait pas de divertissements, de bonnes compagnies & de nourritures qui étaient merveilleuses pour nous autres en Première Classe ; j'enverrai un cadeau au Capitaine qui était d'un amabilité exemplaire, & qui a eut la bonne attention de nous rappeler quelques menues choses, comme le fait que si nous fonctionnons en « av./ap. P.Q. »², les Européen.ne.s fonctionnent en « année avant/après la République », qu'ils abrègent en « av./ap. R. ».

D'ailleurs, les mentalités de l'Europe sont aussi diverses que ses habitants, paraît-il : un proverbe, un peu moqueur, d'un voyageur étranger du XVII° siècle av. P.Q. disait la chose suivante : « Quand on rencontre deux Hispano-lusitanien.ne.s, on se retrouve en présence de trois personnes. » Encore selon ce qu'on m'a dit, il se peut que la phrase ait été plus incisive, & qu'elle fut altérée, comme le rapporte Marc-Prudence³ dans La Grande Histoire, pour mieux convenir à des oreilles délicates, & que le peuple de l'époque savait la véritable version, mais qu'elle s'est perdue aussi, au fil du temps.

Ils honorent tous un certain Christ dans un livre — la Biblie —,  assez divertissant & parfois absurde pour ce que j'en ai lu. Mais le Destin a fait qu'ils sont assez divisés sur la manière de L'honorer. Tout d'abord les Romanien.ne.s (dont le pays est au plus mal depuis plusieurs décennies), les Celtes, & les Hispano-lusitanien.ne.s le vénèrent & le nomment aussi Fils, accompagné d'un autre dieu qu'ils nomment Père, & un troisième qu'ils nomment Saint-Esprit ; & cerise sur le gâteau, ils ne forment qu'une personne : un certain Dieu ! (M'est l'avis que leur Dieu est atteint de je-ne-sais qu'elle maladie mentale, & qu'ils ne s'en soient pas encore rendus compte…)
Et ils ont tout un panthéon de mortels devenus des « sous-dieux » pour te faire une idée de la chose, qu'ils nomment Saints & Saintes ; Saint & Sainte au singulier, & qui ont des vertus magiques, eux aussi. Au contraire, les Germains, les Bretons, les Scandinaves & les Barbares ne vénèrent pas ces sous-Dieux ; à moins que l'on puisse parler d'Héroïnes & d'Héros, comme en Orientalie européenne (qui possèdent bien des sous-Dieux), en plus d'avoir leurs Dieux principaux, qui sont biens distincts. Les Pétropoccidentaux, eux, ne diffèrent pas des Pétroporientaux avec des religions polythéistes, ce qui me rappelle la maison…

Je t'embrasse, ainsi que toute notre famille restée au pays !

De Burges⁴, le 29 Novembre 1620.

Je vous souhaite bien du courage pour me faire changer d'avis : ma décision est prise : nous quitterons la République, pour faire des Lois plus communes à notre Pays, pour prendre les décisions importantes qui affectent nos vies. C'est un État continental qui nous empêche d'être ; il nous oppresse. Plusieurs personnes ont fini par accomplir  le souhait d'être un super-État européen, & on tragiquement fini, à chaque fois. Nous sommes le premier coup dans le mur fragile entre la Liberté & la République. Elle reste le plus efficace moyen d’éviter des conflits entre nous, mais nous sommes soucieux du Peuple romanien, &  nous voulons garder de l'indépendance. Vous pourriez me rétorquer que cela serait économiquement catastrophique ! Oui, mais c'est un risque à prendre, & c'est oublier que nous sommes la Région la moins riche, donc qui paie le moins d'impôts pour la République ; & nous pouvons signer des Accords pour un libre échange plus facile entre nous, en restant dans l'Espace de Marchandage Européen, ou en négociant quelque chose pour avoir des avantages dans les échanges de biens & de personnes.
Nous ne sommes pas idiots, mais leur logique globale nous déplaît fortement ; ce projet Humaniste de rapprochement entre les Peuples est bien beau, mais il a été vite gangrené par les Élites économiques & autres groupes de pression, comme c'est chaque fois le cas, lors que beaux projets. On demande des modernisations à nos Agriculteurs, qui eux n'ont pas toujours les fonds nécessaires pour le faire, & qu'en raison des Directives, ils doivent arrêter & se convertir à quelque chose d'autre ; & l'offre n'en a pas fini de se raréfier !
Ils sont de plus en plus coupés de la réalité, nous le répétons depuis longtemps. Mais écoutez : nous ne sommes pas nostalgiques : l'Italie & ses dépendances actuelles allaient mal avant la République ; elles commencèrent à gagner en puissance avec quand elles furent désignées comme étant une Province ; mais la Romanie actuelle commence à tomber dans une certaine Décadence depuis une vingtaine d'années, sur les cinq-cent-cinquante-et-unes de la République. S'ils nous font la Guerre, c'est un déni de Démonarchie.

le XXVII Undecimus, an DLI

Voilà déjà six mois que Jean-Axel est marié à l'Ottonnaise, & notre père veut s'en aller de la République ! Franchement, je penses que nous avons mal fait ; nous pourrions être la risée de l'Eurasie ! Elle vous l'a dit, je penses : la Cour de notre pays est stricte – plus que chez nous ! –, les gens ne l'aiment pas, &c., & sa femme fait tout de même de son mieux pour qu'elle s'y sente à l'aise, mais rien n'y fait ! Je suis allé demander des nouvelles à Bénédicte-Ignacie-Fausta de Lune, l’Élégante Ambassadrice & sa proche amie : elle me dit qu'il pleure beaucoup qu'on l’accable de ne pas encore un héritier dans le ventre de la Reine — ou plutôt, à la Duchesse ; le couple dit — pardonnez mes mots — qu'on le prends pour une « machine à héritier » ! Prions pour eux, ils vont en avoir besoin…

le XVIII Undecimus, an DLI

Je vous en prie, ne vous faites point tant de peine pour les deux époux. Je suis sûr que si nous organisions un voyage champêtre dans vos États, nous pourrions passer un bon moment ensembles, loin des tracas quotidiens !

Cela est entendu : pour la semaine prochaine, nous irons rendre visite au Palais de notre cousin Ange-Marie Durin, dont les affaires à Rome l'appellent trop souvent pour qu'il ait le loisir de rester en sa demeure. Je vais envoyer une lettre tout de suite après ce billet, pour prévenir le personnel de notre venu, & que tout soit prêt pour nous accueillir !

J'espère que vous serez, vous aussi, assez contente de revoir la villa Balbianello, où nous passions de beaux étés.

Je n'ai pas encore reçu ta réponse sur ma dernière lettre, mais j'ai tout de même souhaité t'en envoyer une autre ! Je t'avoue que s'il y a bien une chose qui m'a changé, c'est surtout le calendrier ! Si nous autres Américains & Américaines utilisons le calendrier québecois, eux, ont le calendrier républicain, qui fonctionne comme suit :

— Janvier → Primus — Février → Secundus — Mars → Tertius — Avril → Quartus — Mai → Quintus — Juin → Sextus — Juillet → Septimus — Août → Octavus — Septembre → Nonus — Octobre → Decimus — Novembre → Undecimus — Décembre → Duodecimus.

Non, non, tu ne rêves pas : ce peuple nomme chaque mois de son calendrier par un numéro. Avec les autres membre de l'expédition, nous fûmes assez surpris d'une telle simplicité, alors que notre calendrier s'acharne à être complexe & à honorer les Dieux & déesses avec ferveurs ! C'est un peuple qui semble être en retard par rapport à nous, car ils n'ont pas encore découvert la vapeur, alors que l'Empire l'exploite depuis bientôt deux siècles.
J'ai eu le plaisir de découvrir la Bibliothèque d'Hispanie-Lusitanie — B.H.L. —, un pays divisé en trois Grandes-régions : l'Ouest, où il y a les villes de Burges – où nous avons accostés – & de Lisbonne où nous avons passés quelques jours, & qui est un port avec une grande activité.

Puis le Centre, où se trouve Madrid, la capitale d'où je t'écris, avec sa B.R.H., & la ville de Cordoue, dont l'artisanat est, paraît-il, le centre de l'économie de la ville ; puis on finit avec l'Est, dont la ville de Barcelone propose de merveilleuses architectures, ainsi qu'un parc, le tout dessinés par Antoine Gaudi, & la ville de Carthagène, qui a un caractère fort militarisé — sans mauvais jeu de mot.

Aussi, le Peintre André Warrol a été prolifique c'est temps derniers, cherchant à capturer chaque coin de rue ! C'est fascinant. Je suis tellement heureuse que ces navigateurs se soient perdus sur les côtes de la Nouvelle-York, & que notre gouvernement ai bien souhaité les écouter ! Leurs bateaux sont maintenant à leur port, & nous avons étés reçus par leur Reine, Isabelle I^e de Castille, & leur Roi Philippe V de Bourbon-Anjou, qui ont étés fort content & surpris de voir de nouvelles forme de vie de l'autre côté de la mer Océane, car c'était bien le but de l'expédition menée par ce M^r. Christophorus Columbus Navigatorus, qui se nomme Cristóbal Colón el Navegante, soit Christophe Colomb le Navigateur.

D'ailleurs, il a été fait Ministre de la Marine de son pays pour avoir mené à bien ce projet de découverte d'un « nouveau monde » comme ils appellent ça ici. Ce fut une grande cérémonie, faite au Palais Royal de Madrid, le lendemain matin, ce qui m'a beaucoup réjouis, car tout le monde était en liesse, & qu'une fête majestueuse était donnée pour l'occasion. Ses trois fils — Ferdinand, Bartolomé, & Diègue — m'ont d'ailleurs tout les trois tournés autour lors de ces quatre jours de fêtes, ce qui m'a beaucoup flatté… Et qui est la principale raison de mon mutisme, bien que je sache que tu ne reçois pas mes lettres le jour de leur écriture : s'il nous a fallut deux semaines pour y arriver, elles devront bien mettre le même temps pour faire le voyage retour ! Pour anecdote, les Hispaniques ont mit six mois avant d'arriver chez nous ; heureusement, nous avons une meilleure technologie, ha ha !

C'est tout pour aujourd'hui ; je dois continuer de m'entretenir avec la Souveraine sur la vie chez nous. C'est le début d'une belle amitié hispano-étasunienne !

Ah ! ma bonne amie… Si tu savais quel émoi frappe notre Cour d'accueil : trois enfants & la belle-fille de Laurentius Medicius Magnificus, Roi des Romanien, se sont noyés hier. Il y a plusieurs journaux qui sont venus ce matin sur la table du déjeuné. Le Roi, assis à côté de moi, en prend un au hasard, puis il me laisse me servir, & moi je prends Le Monde du DLI^e siècle. J'avais eu à peine le temps de l'avoir en main & de le traduire, avec les rudiments qu'on nous a appris avant & pendant notre séjour ici, que je lâche un petit cri de surprise ; alors le Roi se penche brusquement & s'exclame d'une voix étranglée : « Voilà qui est horrible ! » La Reine me presse alors de révéler le sursaut de son mari & de moi-même, donc il prends l'affreux journal, & lit l'article :


« Hay dos días, alrededor del mediodía, S.A.R. Juan Axelo de Médici, con sus hermanas menores SS.AA.RR.¹ Micaela Angela de Médici y S.A.R. Rafaela de Médici, y su esposa S.A.R. María Antonieta de Lorena, se subió a una pequeña embarcación con dos velas, acompañado por un equipo de tres marineros, para un paseo del agua en el lago de Como, en Lombardía.

El único marinero, sobreviviendo milagrosamente por la temperatura del agua, indicó que un fuerte torbellino de viento había subido repentinamente, y que la embarcación se derrama, mientras que unos comían en la cubierta. Las tres princesas se ahogaron porque no sabían nadar, a contrario de los tres marineros y del Príncipe.

Los agricultores han alertado a la capitanía, corrieron inmediatamente al lugar del accidente y salvaron al marinero restante. Enderezando la embarcación, encontraron el cuerpo de uno de los marineros asfixiados en una de las velas, mientras que los otros cincos habían desaparecido.

Los últimos fueron encontrados después de varias horas de investigación: según los testigos, el Príncipe se había zambullido varias veces para salvar a su esposa y hermanas, pero la temperatura y la ropa voluminosa le ganaron la vida. El otro marinero, en cuanto de él, tenía el cuello roto, que se pone en la cuenta de un mástil o cualquier otro elemento del barco.

Los cuerpos están actualmente en camino de regreso a Roma para recibir los sacramentos. La familia real ha rechazado a varios periodistas, rechazando cualquier comentario ; el rey Lorenzo simplemente declaró seis meses de luto nacional. »

Voilà la synthèse de l'article en question : le Prince I. A. L. Medicius F. A. est monté sur un canot avec ses sœurs M. A. L. Medicia P. & R. S. P. Medicia P., & sa femme M. A. Lotharingia A., avec trois Matelots, sur le lac de Côme. Un vent violent a fait tourner l’embarcation, & seul un Marin a survécut, pendant que les autres se sont noyés car les  Princesses ne savaient pas nager ; les marins savaient, mais un marin est mort asphyxié dans une voile, l'autre a reçut un coup sur la tête, & le Prince a été épuisé par la température & ses vêtements volumineux, après plusieurs tentatives pour sauver les femmes. Des paysans ont alertés la capitainerie pour venir à la rescousse du marin survivant. Le Roi L. Medicius M. s'est refusé tout commentaire, & six mois de deuil national ont étés décrétés.