E - 20, Mois 9, Semaine 3, Jour 3

Gothfrid avait perdu l’appétit – voilà des jours qu’il ne mangeait plus rien, et il avait maigri à vue d’œil. Le Roi était pourtant connu pour son appétit monstre ; mais il prétendait que ce n’était rien, qu’il se sentait simplement un peu fatigué depuis quelques temps. Puis avec le temps, la fièvre s’installa, jusque à succéder à la toux…

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Le vieux prêtre posa ses deux mains à plat contre son front, sur leur dos était tatoué l’œil du Fondateur. Il prononça quelques mots saints avant de joindre ses deux mains face à lui, achevant là sa prière pour le Roi. Gothfrid leva ses yeux rougis par le mal vers le religieux, joignant ses mains tremblantes. Sa poitrine se souleva lentement, son souffle rauque s’échappa de ses lèvres devenues pâles.

– La mer puisse-t-elle être clémente. La terre puisse-t-elle être fertile. Le ciel puisse-t-il rester bleu. L’enfer puisse-t-il…

Sa voix s’éteignit dans une violente quinte de toux – il s’empara d’un mouchoir en tissu qui était posé sur sa table de chevet, le porta à sa bouche – et y cracha une gerbe de sang. Le prêtre s’inclina rapidement avant de quitter la pièce – à peine sorti, deux médecins entrèrent dans la chambre du Roi pour l’ausculter et tenter de soulager son mal.

L’un des médecins souleva le genou du Roi pour en vérifier les articulations, mais la douleur fut telle lorsqu’il le déplia que le vieux couronné gronda. Le vieux lion chassa d’un geste le médecin.

– La douleur !, cracha-t-il. Un remède… Par les Anmas, trouvez un remède !

Dans son cri, une nouvelle gerbe de sang franchit ses lèvres et vint tâcher son lit de gouttelettes vermeilles. Les deux médecins partirent alors, sans un mot de plus, priant simplement le Fondateur qu’un miracle arrive.

On paya des crieurs publics pour annoncer à tous que l’on cherchait un remède pour le Roi – et quiconque en trouverait un serait grassement récompensé.

E - 20, Mois 9, Semaine 3, Jour 5

– Notre bon Roi Gothfrid est malade ! Alité depuis deux semaines, il ne parvient plus à se nourrir ou à se mouvoir. Par ordre de Sa Majesté la Reine Janna, nous recherchons un remède ! Quiconque saura sauver notre bon Roi se verra grandement récompensé. En effet, celui qui sauvera sa vie obtiendra la récompense royale !

Le crieur public s’époumona ainsi toute la matinée. Depuis sa chambre, Gothfrid entendait ses cris incessants. Il étouffa un rire gras et toussa alors, plongeant ses lèvres rouges de sang dans un mouchoir avant de tourner son regard vers son épouse.

– Tu fais donc tout ça pour moi ?

Il étouffa un nouveau rire ; tous deux ne s’aimaient pas. Que Janna tente de sauver sa vie était impensable pour lui.

– Nihilium a besoin d’un Roi, dit-elle calmement. Arnolf est trop jeune pour régner, bien trop jeune.

Le Roi garda le mouchoir contre son visage pendant de longues secondes, tentant de contenir la toux qui lui brûlait la gorge. Il inspira longuement, dans une respiration sifflante.

– Combien as-tu fait envoyer de braillards comme celui-là ?
– Tous ceux du Royaume ont été mobilisés pour que l’on vous trouve un remède.

Il soupira et fut pris d’une énième quinte de toux, tachant une fois de plus le mouchoir de son sang. Son abdomen se soulevait difficilement. Il reposa la tête sur son oreiller pour regarder le plafond.

– Ferme la fenêtre, que je n’entende plus cet abruti qui gueule trop. Et appelle Felton. Qu’il me ramène son mélange de pavot et de bétoine. Et s’il a quelque chose contre cette foutue toux…
– Je lui demanderai de vous ramener de la molène. Voudrez-vous que j’appelle le prêtre ?
– Non, non… Les Anmas m’ont quitté depuis bien longtemps.

Janna baissa les yeux. Elle ferma la fenêtre et s’apprêta à quitter la chambre.

– Reposez-vous, souffla-t-elle avant de disparaître.